Interviewvé le 29 décembre 2017 par le correspondant local du Progrès, Alain Leylavergne dans le VILLEURBANNE insolite
Robert Pautet, futur licencié ès-physique... devant Jessie. Assise sur une pile d’ouvrages, la jeune femme rouge d’1m,60 composée d’acide polylactique, a été conçue devant les étudiants de Lyon 1 par la plus grande imprimante 3D de France. Photo Alain LEYLAVERGNE
Inscrit en licence de sciences physiques, ce Villeurbannais n’est pas tout à fait un étudiant comme les autres. A 71 ans, il "bosse" pour décrocher son diplôme et donner à son tour bénévolement des cours aux plus jeunes.
On s’est donné rendez-vous dans le hall de la bibliothèque universitaire du campus Lyon 1. Pas difficile à repérer, cet étudiant de 71 ans parmi ses très jeunes camarades. « On n’a pas forcément les mêmes centres d’intérêt, » sourit Robert Pautet. Je ne fréquente pas le restaurant universitaire, j’ai mes habitudes. Et puis, je ne sors pas le soir... mais on échange pas mal sur les cours, les contenus. La condition d’étudiant, je la côtoie plus que je ne la vis. Je suis d’abord un retraité !
Amoureux des sciences
Mais après quoi court cet étudiant, pas tout à fait comme les autres ?
« C’est simple ! Je me suis inscrit à la fac parce que, plus jeune, j’ai dû interrompre mes projets d’études. Mon bachot technique en biochimie de l’époque n’avait plus rien à voir avec celui d’aujourd’hui. On n’étudiait pas dans la même cour. A l’époque, j’avais bien tenté le concours Maths-Sup mais j’ai échoué. Je me suis donc inscrit aux Arts et Métiers. Mais mon père avait besoin de moi dans son entreprise de métallurgie et m’a demandé d’arrêter les études pour rejoindre l’atelier. J’ai donc été embauché comme tourneur pendant 10 ans, puis j’ai intégré à Lyon, l’entreprise spécialisée dans la fabrique d’emballages pour le transport de matières radioactives, Robatel en tant qu’acheteur. Après j’ai travaillé pour une entreprise de Ternay où j’étais responsable mécanique des centrales d’enrobage, puis des énormes machines pour dessaler l’eau de mer... ». Une vie professionnelle bien remplie.
L’heure de la retraite venue, Robert Pautet n’a pas voulu en rester là, assis dans un fauteuil à regarder le monde tourner. « Je me suis occupé des sans-abri, je me suis lancé dans le soutien scolaire. Et là je me suis aperçu que je n’avais pas les diplômes adaptés à l’enseignement des sciences. Je me suis donc inscrit à l’université et j’ai dû repasser un examen d’entrée, le DAUE (lire par ailleurs), car mon bac était quelque peu obsolète. »
Courageux et volontaire dans sa démarche, Robert Pautet a donc repris des cours du soir pour les remises à niveau, de 18h à 20h voire plus. Son objectif : décrocher une licence qui donne le droit d’enseigner et d’aider correctement les lycéens. Pour le Villeurbannais, œuvrer à la réussite des plus jeunes, c’est un peu prendre une revanche sur son propre parcours scolaire. L’objectif de Robert Pautet n’est plus très loin... « Je n’ai pas toutes mes unités d’enseignement. Il m’en reste quatre à passer. Je patine sur la photonique optique physique et ondulatoire. C’est très pointu. Je dois aussi décrocher les UE vibration, physique statistique et mécanique quantique. Alors je "bosse". Je vais aux cours de tutorat. Ce n’est pas gagné mais je m’accroche... »
Un œil sur sa montre, Robert Pautet reprend son cartable : « je dois y aller, le cours va commencer... »
Robert Pautet, 71 ans ancien élève des Lazaristes